mercredi 22 décembre 2010

Salarié

Avant, les gens bossaient. Essayez de vous représenter le tableau. La vie était rude : il fallait quotidiennement gagner son pain en vendant sa force de travail. Les gens ne possédaient rien et fusillaient leur temps à la tâche. Ils étaient des travailleurs. Pas le choix : ils avaient un loyer, des besoins alimentaires voire une famille à charge. I-ma-gi-nez.

Depuis, l'eau a coulé sous les ponts bâtis par nos énergiques grands-pères. Les travailleurs se contemplent désormais dans les livres d'histoire, tandis que le titre de salarié vint il y a peu se poser sur leur front reconnaissant. Cette révolution lexicale a bouleversé le monde des gens. Le salarié est en effet l'heureux énergumène dont la passive condition consiste à percevoir une manne mensuelle de la part d'un généreux donateur-entrepreneur-perlé-de-sueur. Chaque jour illustre l'éclatante vérité de ces temps : votre quotidien de salarié rime avec gagné, privilégié, yé-yé. Fini le bassin houiller, vous pouvez remuer le bassin, ouh yeah. Courez l'annoncer à votre caissière : sa vie a changé.

Maintenant les cigales, arrêtez deux secondes votre quadrille inconséquent et écoutez bien. Votre statut ouaté vous aveugle. Vous voilà tout à coup luttant contre une réduction de salaire, de pension de retraite ou que sais-je.  Cette posture d'oisillon prêt à gober un bœuf est du plus mauvais goût. Lorsque l'entrepreneur-trimeur vous sucre un peu de ce pain béni qui beurre votre insouciance crasse, pour la préoccupante raison qu'il est en ballotage défavorable dans le classement des plus grandes fortunes mondiales, vous pourriez éviter de la ramener et faire un effort, viles entretenues que vous êtes. N'oubliez jamais qu'être salarié en activité est un confort qui se mérite.

Avec tout ça, l'on trouve néanmoins d'étonnants esprits pour s'offusquer du non paiement de l'impôt sur les bénéfices que font les grandes entreprises (Arcelor Mittal, Danone, Essilor, Saint-Gobain, Schneider, Suez environnement et Total ne reversent pas la moindre miette de leurs faramineux profits à l'État alors que  PME et salariés raquent plein pot). Mais enfin, c'est pourtant simple : les grands patrons paient déjà des salaires, c'est donc au reste de la population de se charger des contributions. Ça s'appelle la répartition, bande d'ingrats.

samedi 27 novembre 2010

Jupe (journée de la)

La vie quotidienne d'une femme, ça n'a pas de prix. Il en faudrait, des billets à rallonge, pour raconter ce que fut mon insouciante jeunesse au milieu des gros mots maladroitement lancés par des hommes en mal de chaleur humaine. Petit florilège :
- le camionneur qui se gare en travers du carrefour où j'attends un bus, dans mon village désert et depuis l'habitacle de son engin me crie "salope ! Tu te crois belle ! Sale pute !" ;
- l'estafette de gendarmes ralentissant pour se caler à mon pas, avec le lieutenant Dugenou qui, coude sorti et sourire entendu, m'adresse un "excusez-moi mademoiselle, je cherche la rue machin (inexistante)" dans un bled rural de deux mille âmes qui est censé être de leur secteur ;
- le copain de classe au lycée, gentil blondinet à la mèche très deuxième arrondissement (lyonnais), qui me hurle "salope" depuis l'autre bout de la cour parce que je porte une minijupe, mais qui sort avec une fille qui porte une minijupe ;
- les douze mille "bonjour mademoiselle" qui se terminent par un "salope" si je manque de répondre alors que quand même, dans un couloir de métro où dans la rue, je pourrais faire l'effort de dire bonjour aux gens ;
- les "Il faut sourire mademoiselle" quand je rentre du boulot ou des courses en négligeant mon rôle social de mère Noël.
Je laisse de côté les mains passées alors que je me balade en jogging mou - il faut bien que le badaud inquiet puisse s'assurer que mes fesses n'ont pas disparu - ou encore les frottages en transport en commun par les distraits qui confondent ticket et parties génitales, postérieur et oblitérateur.  Je n'évoquerai pas non plus mon entretien d'entrée aux Beaux-Arts de Saint-Étienne ou les enseignants répétaient, droits dans leurs bottes, qu'ils acceptaient tous les hommes au concours d'entrée et complétaient ensuite les effectifs avec des femmes, qui ne peuvent évidemment pas devenir artistes.

Ce que je peux être rancunière, moi, à garder souvenir de tout ça et à en faire étalage !
En lisant l'appel de ni putes ni soumises, je suis rassurée : mon cas reste une exception. Le machisme est avant tout une affaire de quartier populaire et d'immigrés, un truc qui se passe à Vitry ou équivalent. Ouf !  Envolées les inégalités salariales, de pension de retraite, de taux de chômage, de représentation politique, petit le harcèlement au travail, anecdotique l'exploitation dans les foyers familiaux, exit les parades de mâle dominant dans le monde du travail ou dans la rue, tout cela reste exceptionnel tandis qu'une masse basanée tapie au pied de chaque tour persécute nos sœurs sans relâche, usant de tout le pouvoir dont ses membres disposent pour interdire le port de la jupe. Afin de réagir avec dignité, l'idée d'appeler l'ensemble des femmes à porter une jupe (donc à en acheter une si vous êtes une de ces farfelues qui n'en possédez pas) fait son chemin. Le tour est joué. Le féminisme est une lutte qui se mène entre femmes, avec les moyens dont elles disposent : des jambes (plutôt qu'un hypothétique cerveau).  Grâce à la jupe, les femmes pourront enfin afficher leur solidarité, dans une gracieuse et muette connivence qui sied si bien à leur charmante nature.

mercredi 17 novembre 2010

France


Quand un politicien a envie de parler d'autre chose que d'emploi, de chômage, de salaires, de retraites, bref toutes ces petites choses mesquines qui intéressent les salariés privilégiés, les assistés avec un poil dans la main, les lycéens qui vraiment feraient mieux de penser à autre chose à leur âge, les retraités qui devrait déjà dire "merci" vu qu'on les laisse toucher du pognon sans travailler, il se met à parler de La France ! Il y a toujours un point d'exclamation quand il parle de La France ! car il s'agit d'une chose énorme, un concept époustouflant, un grand machin dont on fait tous partie ! Enfin, tous, je m'entends hein.
Par exemple ok, il y a des Français musulmans.
Dans le temps on les appelait "sujets coloniaux" : le mot a changé, mais il faudrait quand même pas qu'ils oublient d'où ils viennent ! D'ailleurs il n'y a pas de minarets dans La France !, n'est-ce pas, ce qui est bien la preuve que La France ! est un pays accueillant et respectueux de la diversité.
De manière générale, il faut bien se le dire : des tas de gens dans le monde ne sont pas français. C'est dire si le danger est grand ! Pas français donc des ennemis, ou à tout le moins des rivaux. éventuellement des amis-rivaux, enfin, vous voyez, des gens dont il faut tout de même se méfier. En plus ces gens pas français ne connaissent pas le mot grève, ni service public, ni retraite, alors quoi, faut s'adapter, travailler tous ensemble, ouvriers, employés, patrons, ex-ministres du Travail pour la compétitivité de la Maison France ! Tous ensemble, tous ensemble, ouais !

dimanche 14 novembre 2010

École

Étable à enfants conçue par l'État pour que les parents puissent aller travailler, dite aussi "service public d'Éducation". L'école abrite quelques professeurs chargés de noter sur des livrets scolaires les compétences des enfants acquises à la maison. S'il reste du temps, les professeurs prévoient des séances afin d'enseigner des fondamentaux-de-base-du-socle-commun-à-tous tels que l'écriture sur cahier, la date du jour, comment reconnaître et respecter un drapeau français, comment appliquer une consigne ou encore comment répondre en faisant une phrase complète. Une cour carrée est prévue dans chaque école afin d'autoriser les enfants à hurler en courant deux fois par jour. Au bout d'une quinzaine d'années, les élèves reçoivent une autorisation écrite à postuler pour certains emplois, appelée diplôme, et un titre  honorifique de citoyen.

dimanche 17 octobre 2010

Réformer (les retraites)

Action de reprendre du fromage (avant que tout le monde soit servi).
Alors que j'étudiais les arts, j'appris que le mot forme était étymologiquement cousin de cette primale géométrisation du lait par filtrage que nous appelons fromage. D'où les confusions possibles forme-fourme-frome-mrofe, etc. Mais, alors que la réfourme ne germa jamais dans l'esprit des producteurs auvergnats, voilà que les  hauts toqués de chez nous entreprirent de taillader nos retraites à coups de couteau cornu. L'opération consiste à prendre un fromage bien fait (un système de retraites par répartition par exemple, avec de belles tranches prédécoupées selon le nombre de convives), à en évider le contenu afin de n'en conserver qu'une croûte extérieure faisant figure de maintien du système. On n'avait jusqu'à présent vu ça que dans les recettes de fondue forézienne. Faites ensuite passer le plateau et regardez la tête de ceux qui essaient de prendre leur part. Profitez de cet instant de désarroi pour leur proposer l'achat de ce qui manque. Bravo, vous avez opéré une réforme selon les us en vigueur. Bon appétit.

dimanche 3 octobre 2010

Rap (violence du)

Le rap est par essence misogyne et violent. J'en veux pour preuve cette phrase assenée sans vergogne par son auteur : "j'ai envie de violer des femmes, de les forcer à m'admirer". 
Ah non, ça c'est Sardou.
Le rap et la chanson française sont par essence misogynes et violents. Pas de quoi être fier quand on fredonne : " You better run for your life if you can, little girl / Hide your head in the sand little girl"
Ah non, ça c'est les Beatles.
Le rap, la chanson française et la pop anglaise sont par essence misogynes et violents. Les hommes y étant sur-représentés, ce n'est pas étonnant.  Les hommes sont par essence misogynes et violents. Nous atteignons donc des sommets de brutalité : "Il me fout des coups, il me prend mes sous, je suis à bout mais voyez-vous que voulez vous, je l'ai tellement dans la peau..." 
Ah non, ça c'est Mistinguett.
Ad lib.

mercredi 22 septembre 2010

Henné

Substance naturelle qui sert à donner aux cheveux une couleur qui ne l'est pas. Le henné se présente en poudre qu'on arrose d'eau chaude, un peu comme une soupe lyophilisée sauf qu'il faut former une pâte, un peu comme celle à crêpes, et s'en badigeonner généreusement le crâne. Ensuite on attend, la chevelure vrillée dans un turban de boue rouge qui sèche lentement, un peu comme une déjection bovine sous le soleil de septembre.
Étant une technique ancestrale, le henné immobilise le sujet durant  un laps de temps incompatible avec la vie moderne. Le henné suspend le vol du temps du teinté, un peu comme une pause déjeuner obligatoire, une RTT forcée, des congés à prendre avant fin mai ou tout ce qui empêche de ne pas vivre.
Si je vous écris tout ça ce soir, c'est parce qu'il faut bien que j'optimise mon temps ancestral.

lundi 13 septembre 2010

Bouledogues


De toutes, façons, je n'aime pas particulièrement les chiens - mais enfin, c'est vrai que quand on en croise un dans les bonnes conditions, par exemple lors d'une promenade en forêt, courant la langue pendante, le regard fou, la queue frétillante, quand on croise donc un chien dans le même état, on ne peut s'empêcher de ressentir une certaine sympathie pour ces créatures, certes pas très futes-futes, mais qui ont un certain charme simple et honnête.
Mais franchement les bouledogues ! Ils sont moches et ils bavent. Et Churchill était toujours comparé à un bouledogue. En fait, voilà qui est tout à fait adéquat.

jeudi 2 septembre 2010

Aplomb


On peut reprocher toutes sortes de choses aux autorités qui planent loin, loin au-dessus de nos têtes : de présider à un système injuste, de faire fi de leurs propres principes déclarés, de s'enrichir sur le dos du populo, d'avoir mauvais goût en matière vestimentaire et culturelle et même à l'occasion de ne pas dire toute la vérité. A l'occasion s'ajoute la goutte qui fait déborder le vase, la paille qui casse le dos du chameau, la petite phrase qui enfonce bien le clou : oui, on nous prend pour des cons. Ainsi j'apprends hier que trois soldats français ont été blessés en Afghanistan. Dans un premier temps je me réjouis bien sûr de ce coup porté à la domination impérialiste dans ce pays. Voilà pourtant qu'il est précisé que ce sont les tirs d'autres soldats français qui ont touché les blessés. Décidément les nouvelles sont excellentes : l'armée française est tellement incompétente que la résistance afghane n'a même pas besoin de prendre de trop gros risques, il suffit d'attendre que les militaires se tirent eux mêmes des balles dans le pied, s'écrasent les doigts en enfonçant des clous dans le mur, marchent sur des peaux de banane, se coincent le nez dans leur téléphone portable... Fi ! Voilà que ma joie est gâchée par l'explication de l'Etat-major, laquelle consiste en cette observation stupéfiante : "l'enquête n'a révélé aucune erreur individuelle ou collective." Voilà : trois bonshommes se sont retrouvés à l'hôpital, et personne n'y est pour rien, ni le soldat d'en face qui a cru qu'il s'agissait de talibans, car se méprendre sur l'identité d'une personne ne constitue apparemment pas une "erreur", ni la chaîne de commandements qui aurait pu penser que le terrain, la visibilité, les uniformes employés, bref la combinaison de toutes ces circonstances rendaient l'incident probable - cela non plus n'est apparemment pas une erreur... Les soldats français se tirent les uns sur les autres, mais c'est compatible avec un fonctionnement parfait de l'institution - et on nous explique qu'il n'y a eu d'erreur nulle part, ce qui montre sans doute aussi l'impeccabilité du système d'investigation interne de l'armée, ainsi que l'irréprochable mécanisme de responsabilisation démocratique des forces armées. Ah, mais j'oubliais certaines précisions cruciales : "Les soldats touchés, affirme l'EMA, étaient équipés d'EBI (éléments de balisage individuels) et de "bipeurs" émettant un flash infrarouge. Problème : à 800 mètres, celui-ci n'est pas détectable, et les caméras thermiques, qui ne détectent que les différences de chaleur, ne le voient pas." Un "problème" qui ne saurait cependant causer la moindre erreur, apparemment.

mercredi 1 septembre 2010

Densité


Je ne suis pas du genre malthusien. Il pourrait y avoir 12 ou 24 milliards d'êtres humains que ce serait aussi bien - et l'idée suivant laquelle la planète ne suffirait pas à nourrir tout le monde ne tient pas la route deux secondes. En revanche, franchement, il y a quelque chose à revoir dans la répartition des populations. Le trottoir parisien ressemble par endroits à l'un de ces jeux vidéos à l'ancienne où il s'agissait de faire éviter à une voiture statique en bas de l'écran le flot de véhicules arrivant à contre-sens depuis le haut (en fait l'idée était que ces véhicules étaient doublés par celui du joueur... mais me vient à l'esprit qu'il ne s'agissait pas à proprement parler de jeu vidéo, mais peut-être plutôt d'un jeu électronique avec des éléments mécaniques ? Voici que je m'égare.).
Amusant à l'occasion, mais bien souvent exagérément prenant.
Suivant les principes dialectiques de la transformation de la quantité en qualité et de la négation de la négation, la chose revêt pourtant un caractère à nouveau ludique quand elle est poussée à un niveau si intense que l'embarras devient absurde. La combinaison d'une densité extrême et d'une tension générale pour aller le plus vite possible afin de ne pas rater son train donne ainsi aux gares de banlieue parisienne aux heures de pointe l'aspect d'un étrange et gigantesque spectacle comique, dans lequel les individus les plus variés dandinent d'un pied de l'autre, zigzaguent, se plantent brusquement, se retournent le regard égaré à la recherche d'un horaire introuvable.

samedi 21 août 2010

Quota

Par les temps qui courent les quotas ont mauvaise presse. Il y a de quoi. Quoi de plus débile et de plus kafkaïen au sens administrativo-absurde du terme que l'imposition de "quotas" d'expulsions, d'arrestations, de contraventions pour manquement à la réglementation sur l'éclairage des véhicules à deux roues ? Au moins au temps où c'était les quotas de pêche ou les quotas laitiers qui faisaient les pages cinq des journaux, il y avait un aspect vaguement bucolique à l'évocation de ces règles étranges : si je suis un pêcheur canadien je ne dois pas pêcher plus de quinze tonnes de poissons mesurant plus de quinze centimètres, si je suis une vache limousine je ne dois pas produire plus de vingt-deux litres dans toute période de quarante-huit heures consécutives...
Et le quota des chansons en français sur les radios libres ! Cette trouvaille géniale adoptée par le gouvernement de l'époque - juste au moment où de toutes façons la plupart des gens commençaient à en avoir marre des chansons en anglais - a surtout réussi à donner la migraine aux programmateurs de radios "communautaires", c'est à dire s'adressant à d'autres communautés que la majoritaire en ce beau pays de merde. Franchement 60% de salsa francophone sur Latina, ça le faisait plus trop....
Et puis, a-t-on idée de se donner comme quota la rédaction d'un billet de blog par jour ? Et si on n'a pas envie, hein ?

vendredi 20 août 2010

Chèque (éducation)

Sorte de masque théâtral mimant l'expression d'un personnage animé du souci social d'Éducation pour tous, dans une société où les impôts financeraient enfin d'autres choses que la si inutile gratuité scolaire. Effet garanti sur scène : 

Le chèque éducation s'adressant à tous
- Ô peuple, tu auras les moyens de choisir l'école de tes enfants, grâce à ce bon d'une valeur de deux fois le montant minimal autorisé par l'union européenne. A toi de jouer !
Le chèque éducation quitte la scène d'un pas aérien. On découvre un homme assis devant son ordinateur.
Gudule consultant son solde bancaire sur Internet
- Diantre ! Mon salaire entier est passé dans le règlement de la dernière facture EDF, que faire ?
Loute en voix off, depuis la cuisine
- Chéri, tu sais bien qu'il est de notre devoir de citoyen de financer les investissements à l'étranger des entreprises françaises. Allons, arrête de râler et cherche plutôt une autre école pour le petit car nous ne pourrons plus payer l'actuelle.
Gudule tapant "école discount" sur Google
- Tiens, Lideulschool propose un forfait trimestre à 120 euros. Mais tu crois pas qu'il va faire la tête ? Ca fait trois fois qu'il quitte ses copains cette année, la dernière fois bonjour la crise...
Loute s'approchant, un torchon à la main
- Il comprendra très bien, plus tard. Et puis j'ai lu que c'était bénéfique de varier les contextes d'apprentissage dès le CP...



Obsolescence programmée

D'abord vint le silex taillé, puis l'invention du feu, de la roue, la conquête du bronze, du fer, l'agriculture, la vapeur, l'électricité, la pénicilline... Eh oui l'être humain a, mine de rien trouvé bien des astuces passablement astucieuses pour profiter de son environnement en se la coulant un peu plus douce. Bon, je vous vois venir, avec tout ça est aussi venu son cortège de guerre, d'exploitation, de destruction de l'environnement. Certes, certes. Mais aujourd'hui je voudrais pointer un doigt accusateur vers un autre aspect de ce que le progrès a pu avoir de régressif. J'ai nommé l'idée géniale consistant à fabriquer des bidules spécialement conçus pour devenir inutilisables à brève échéance. Même dans ce domaine d'ailleurs, l'ingéniosité humaine a trouvé à s'employer, puisqu'après avoir commencé à simplement fabriquer des engins peu solides, difficiles à réparer, demandant des pièces détachées introuvables, l'on s'est mis à développer de nouveaux articles destinés à être supplantés par des nouveaux nouveaux articles, dans un mouvement d'inexorable ascension laissant sur le carreau pléthore d'inventions désuètes. Dois-je mentionner le bipeur ? Le vidéodisque ? Le lecteur de disquette ? Le modem 56k ? Non, non, non, je ne dis pas qu'il n'y a pas de sens à mettre au rebut un dispositif qui a réellement fait son temps - perso je ne découpe pas ma viande au silex - mais un moyen par exemple de laisser les gens attachés à leur bipeur envoyer des textos ça doit pouvoir être possible non ? Non, qu'ils achètent des portables, qu'ils consomment s'ils veulent être dignes de vivre.

jeudi 19 août 2010

Churchill

Un grotesque clown qui occupe une position enviable dans la vie politique française s'est avisé de faire parler de lui en installant dans son fief des statues de personnages célèbres de l'histoire du 20ème siècle. De bonnes âmes se sont émues d'y voir figurer Lénine ou Mao à côté de démocrates comme De Gaulle, Roosevelt ou Churchill. Churchill ? Churchill ??? La carrière de cet amas de racisme et de misogynie est une longue litanie de services rendus à ce que l'impérialisme a de plus rance et de plus vil. Depuis le Soudan, où il participait à l'écrasement de la révolte des indigènes, se flattant d'avoir lui-même tué trois "sauvages" jusqu'au massacre de masse de la population civile de Dresde, en passant par le charmant écrasement de la révolte arabe en Irak en 1920 avec l'usage d'armes chimiques, le maintien du joug colonial sur l'Inde, et l'envoi de troupes en Russie histoire d'affamer ces sagouins qui s'étaient mis dans la tête de créer une société plus juste.
Et De Gaulle et Roosevelt ne perdent rien pour attendre.

Demeure (mise en)

La mise en demeure est le moyen épistolaire officiel servant à exprimer l'idée que "ça suffit comme ça". Exemples : "Nous vous mettons en demeure de bien vouloir, s'il vous plaît, régler la somme due avant le 21 octobre 1922." (chance de récupérer ses biftons : 80%) ou bien "Hortense, je vous mets en demeure d'accepter mon invitation à un apéro." (taux de réussite probable : 0,8%). Après envoi certifié par service postal et en cas de non réponse du destinataire, deux possibilités : des poursuites peuvent être engagées ou un haussement d'épaules opéré, selon le désir de l'expéditeur. La mise en demeure, c'est donc plutôt sympa ; c'est comme un feu rouge (de colère) signifiant "Arrêtez, je peux m'énerver" ou "stop, je ressens les tourments de l'ire à votre endroit". Bonheur : vous pouvez la rédiger vous-même, sans posséder de diplôme particulier qui conférerait une authenticité d'état à ce cri écrit. Pour arrondir vos fins de mois, vous pouvez même bidouiller votre missive (prix coûtant : une feuille de papier, un poil d'encre, un recommandé postal et une vingtaine de minutes de votre précieux temps) puis la facturer quarante euros à votre destinataire. Si vous êtes un gros malin, recommencez l'opération afin de mieux saler la note. L'auteure de ce billet a ainsi reçu facture de deux mises en demeure ajoutées à un avis avant huissier l'enjoignant à régler 97 euros pour cette pressante correspondance. Juteux mais maladroit : multiplier les envois de mises en demeure à une adresse qui n'existe pas, insister malgré les retours d'accusés de non-réception, c'est prendre le risque de finir aux yeux de tous en demeuré de la farce.

mercredi 18 août 2010

Yoko

Selon le sens commun, Yoko - Ono de son nom - est une sorte de Pandore détruisant tout ce qu'elle approche (exemple : les Beatles). Yoko donc est le maléfice fait femme ou femméfice ayant eu l'outrecuidance de vivre une histoire d'amour avec John Lennon qui n'avait franchement pas besoin de ça. Pauvre John ! Méchante femme ! La suite de l'histoire, vous la connaissez : tout fut de sa faute. Par quelques actes insidieux (s'asseoir à côté de son homme en studio d'enregistrement, donner son avis lorsqu'il le lui demandait etc.), notre Malinche du soleil levant réussit à concrétiser ce qui était sans nul doute son rêve depuis toujours : semer la zizanie entre les Fab Four, encourager son leader à entamer une carrière solo, l'obliger à militer avec elle pour la paix au Vietnam et autres atrocités du genre. Certains fans iront jusqu'à apostropher Lennon dans la rue, lui tapotant le crâne en hurlant "Cynthia était beaucoup mieux ! "pour qu'il revienne à la raison. En vain. Ce dernier préféra rester avec notre brune Sylvidre toujours prête à décocher son avis ce qui, vous en conviendrez, est fatigant de la part d'une femme. Heureusement, certains justiciers internautes passent aujourd'hui courageusement par le canal des commentaires Youtube pour enfin clamer à la face du monde cette vérité trop souvent passée sous silence : une femme de rocker ça reste à la maison et puis c'est tout.

Actualisation du 08-12-2010 : que voilà un bel article sur le sujet.

Index (absence d')



Dans un livre sur oh, je ne sais pas, l'histoire du journal Libération, est-ce que j'ai envie de relire les cinq premiers chapitres pour retrouver la citation de l'article de July délirant sur le notaire de Bruay en Artois ? Absolument pas.

mardi 17 août 2010

Vocabulaire informatique


Ne pas mélanger ses métaphores. Ça a l'air facile a priori. Aussi quand l'informatique a commencé à
se faire une place dans nos quotidiens, une assemblée d'éminents lexicographes aurait pu songer à la question pendant, oh, un quart d'heure toutes les deux semaines, et on aurait sûrement pu échapper à des "bureaux" sur lequel se trouvent des" icônes" (jusque là pourquoi pas ? Ça fait secrétaire chrétien orthodoxe mais bon), des icônes donc qui ouvrent des, euh, "fenêtres" sur le dit bureau ce qui permet de, ouh là, "naviguer" (!) sur, eh bien comment dire, la "toile"....

Corée du Nord

Épouvantail brandi par la droite à chaque mesure sociale proposée par la gauche. La Corée du Nord serait peu ou prou notre destin, notre futur proche inéluctable si nous songions à taxer les salaires des grands patrons, par exemple. " Les 35 heures appliquées à tous, c'est la Corée du Nord !", s'exclama un membre de l'UMP lors d'un débat télévisé sur les grands patrons. Nos services recherchent tout indice d'application des 35 heures en Corée du Nord (liens bienvenus). Nous découvrons en revanche que, dans ce pays menaçant quotidiennement notre quiétude néolibérale, secret de la douceur de vivre à la française, le riz a été renationalisé pour cause de creusement des inégalités concernant son accès durant la période de privatisation de son commerce. Quelqu'un a-t-il des nouvelles de Bertrand Delanoë depuis la remunicipalisation de l'eau à Paris ?

lundi 16 août 2010

Citations

"Je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu'à la mort pour que vous ayez le droit de le dire." - Voltaire. N'est-ce pas ? Non.
Le brave homme n'a jamais écrit cette phrase, répétée à foison par tout ce que le medialand français compte d'individus se piquant de Culture™ et souhaitant se placer dans la confortable position de défenseur de la tradition républicaine de liberté d'expression (si il s'agit de dire du mal des musulmans, des roms, des femmes, des gays, etc. bien sûr - car s'il s'agit du droit de critiquer l'action de l'Etat, là curieusement la liberté d'expression trouve beaucoup moins de défenseurs...). Alors pourquoi le citer ? Pourquoi ne pas simplement donner la phrase telle quelle si on est d'accord avec l'idée ? Pour faire genre.
Quand ce n'est pas pour faire genre, ou bien en plus de faire genre, la fausse citation sert à discréditer l'auteur putatif. Tout le monde sait que Lénine, le célèbre dictateur satanique mangeur d'enfants, aimait appeler les naïfs intellos de gauche qui trouvaient que malgré tout, le communisme, c'était pas si con comme idée, des "idiots utiles", n'est-ce pas ? On l'imagine sur son trône en diamants penché sur le dernier article d'Arthur Ransome ou de Romain Rolland, laisser échapper un rire caverneux tandis que Zinoviev et Trotsky à demi nus lui font du vent avec des palmes en murmurant "oui ô grand chef, vraiment des idiots très idiots - et cependant très utiles - ô comme vous avez raison grand chef !". Manque de pot.

Attentifs ensemble

Message de bienvenue aux utilisateurs du métro parisien, destiné à augmenter le taux d'angoisse moyen en aiguisant la trop faible suspicion de ces derniers envers leurs semblables. Profitant d'un cadre fermé où de nombreux hauts-parleurs peuvent être placés de façon à ne rater aucune oreille, la compagnie du métro vous exhorte à rouler des globes oculaires pour débusquer la vingtaine de malfrats qui vous entourent forcément, déguisés en usagers des transports en commun. Il vous est demandé d'agripper votre sac à main cadenassé et de munir vos poches de pièges à doigts afin de décourager les pickpockets qui rôdent ici. Ainsi, si d'aventure votre portefeuille se révèle introuvable suite à un trajet souterrain, c'est bien la preuve que vous êtes coupable (de la désinvolture la plus crasse).

dimanche 15 août 2010

Mariage

Contrat de travail non rémunéré pour femme, habituellement obtenu au cours d'une journée de bizutage.

Navigo

Autrefois pour prendre le métro (à Paris) (en France), il fallait insérer un ticket de métro dans une machine prévue à cet effet. Ou bien un "coupon de carte orange", c'est à dire un autre genre de ticket ayant valeur d'abonnement. (On me dira : "Avant cela il fallait le présenter à un poinçonneur" - on aura raison). Bon, les tickets ont été remplacés par une carte électro-magnétique qui requiert pour être établie toute une démarche administrative destinée à décourager les touristes et à leur faire payer le prix fort. C'est déjà énervant, mais ce qui est encore plus énervant c'est que les propriétés magnétiques de la carte Navigo ont entraîné une partie substantielle de la population parisienne à croire en la possibilité de franchir les portillons du réseau souterrain de transport sans sortir leur fichue carte de leur sac, pour peu qu'elle soit placée stratégiquement, par exemple dans une poche extérieure. Le résultat : de longues scènes ridicules où une personne passe et repasse son sac dans différentes positions sur le lecteur magique dans l'espoir d'autant moins facilement découragé qu'il n'est pas complétement vain.