mercredi 23 mars 2011

Maintien


Maintien est le terme ok, bath et in visant à effacer de la mémoire scolaire son vilain prédécesseur, le redoublement. Il s'agit strictement du même procédé, mais les enseignants ont désormais interdiction de prononcer l'ancien mot sous peine de froncement de sourcils hiérarchiques. Je vous laisse méditer sur le sens de cet accoutrement langagier ("Non mon fils, tu ne feras pas deux fois la même chose, tu continueras à faire la même chose durant deux ans, ce qui n'a rien à voir."). 
Au fait, ça sert à quoi déjà, le redoublement maintien ?
L'inefficacité du redoublement maintien a été pointée par moult études mais, comme vous le savez, il faut penser l'école sans moyen - financier s'entend - afin d'être moderne*. Donc, ne perdez pas de temps à réfléchir à ce que serait la lutte contre l'échec scolaire combinée au bien-être des enfants restant entre mômes du même âge etc. Pourquoi pas ? Hé bien les solutions que vous entreverriez, inconséquents que vous êtes, risqueraient fort de n'être pas modernes*. On vous voit venir avec vos gros sabots d'effectifs réduits, de classe ouverte et modulable, voire vos vieilles idées de deux enseignants par classe. Pas de ça chez nous !
Aux yeux d'un ministère moderne*, l'inefficacité du redoublement maintien n'est pas une raison valable pour s'en débarrasser. En revanche, comme il fait partie de l'interminable liste des trucs-qui-coûtent-cher (santé, éducation etc.), il fallut quand même en limiter l'usage, en évitant soigneusement les idées alternatives, elles aussi inscrites sur ladite liste. On entreprit donc de passer par la célèbre procédure canonique à trois temps (dite aussi valse illusionniste), dont voici les moments forts :
1- le lapin entrant dans le chapeau : limitation d'un truc-qui-coûte-cher (ici le redoublement/maintien) avec une contrepartie acceptable afin d'éviter tout départ des spectateurs (ici la création du Rased pour lutter autrement contre l'échec scolaire) ;
2- la disparition du chapeau : le clou du spectacle. Dans notre exemple,  il y eut maintien de la limitation du maintien et suppression des moyens accordés auparavant pour pallier ladite limitation (Et pouf ! fini Rased) ;
3- le vapo à chiottes en guise d'épilogue : création d'un blabla ou édito pour rassurer les foules. Bien expliquer que tout ça est fait pour remettre "explicitement l'usager des services publics au cœur des préoccupations de l'administration".
Attention, la valse illusionniste est applicable à d'autres grands chantiers de modernisation et la liste des trucs-qui-coûtent-cher se remplit aussi vite que le compte en banque de Bouygues.



*la "modernité" désigne le transfert de l'argent du travail (et/ou argent public de toute nature) vers le capital (ou argent privé, dit encore "les poches aux amis du Fouquet's").

3 commentaires:

  1. Ah! Enfin un texte à se mettre sous les méninges !
    Zaviok

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  2. Autrefois, on soignait le maintien. Tout se perd !

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  3. Zaviok, c'est ce que se disent mes élèves une fois par trimestre à peu près...
    Mtislav, le maintien, c'était mieux avant !

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