mercredi 22 décembre 2010

Salarié

Avant, les gens bossaient. Essayez de vous représenter le tableau. La vie était rude : il fallait quotidiennement gagner son pain en vendant sa force de travail. Les gens ne possédaient rien et fusillaient leur temps à la tâche. Ils étaient des travailleurs. Pas le choix : ils avaient un loyer, des besoins alimentaires voire une famille à charge. I-ma-gi-nez.

Depuis, l'eau a coulé sous les ponts bâtis par nos énergiques grands-pères. Les travailleurs se contemplent désormais dans les livres d'histoire, tandis que le titre de salarié vint il y a peu se poser sur leur front reconnaissant. Cette révolution lexicale a bouleversé le monde des gens. Le salarié est en effet l'heureux énergumène dont la passive condition consiste à percevoir une manne mensuelle de la part d'un généreux donateur-entrepreneur-perlé-de-sueur. Chaque jour illustre l'éclatante vérité de ces temps : votre quotidien de salarié rime avec gagné, privilégié, yé-yé. Fini le bassin houiller, vous pouvez remuer le bassin, ouh yeah. Courez l'annoncer à votre caissière : sa vie a changé.

Maintenant les cigales, arrêtez deux secondes votre quadrille inconséquent et écoutez bien. Votre statut ouaté vous aveugle. Vous voilà tout à coup luttant contre une réduction de salaire, de pension de retraite ou que sais-je.  Cette posture d'oisillon prêt à gober un bœuf est du plus mauvais goût. Lorsque l'entrepreneur-trimeur vous sucre un peu de ce pain béni qui beurre votre insouciance crasse, pour la préoccupante raison qu'il est en ballotage défavorable dans le classement des plus grandes fortunes mondiales, vous pourriez éviter de la ramener et faire un effort, viles entretenues que vous êtes. N'oubliez jamais qu'être salarié en activité est un confort qui se mérite.

Avec tout ça, l'on trouve néanmoins d'étonnants esprits pour s'offusquer du non paiement de l'impôt sur les bénéfices que font les grandes entreprises (Arcelor Mittal, Danone, Essilor, Saint-Gobain, Schneider, Suez environnement et Total ne reversent pas la moindre miette de leurs faramineux profits à l'État alors que  PME et salariés raquent plein pot). Mais enfin, c'est pourtant simple : les grands patrons paient déjà des salaires, c'est donc au reste de la population de se charger des contributions. Ça s'appelle la répartition, bande d'ingrats.

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